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Épisode 2 : Squoi ?

"Mon cerveau est plein," dis-je.

"Tu as encore de la place,"dit ma Chère Épouse.

"Pas même pour le point d'une petite lettre i,' dis-je.

"Juste quelques mots de plus," dit-elle.

"Pourquoi aurais-je besoin de tous ces mots ?" demandai-je.

"Pour que nous puissions avoir une conversation, une discussion, un dialogue, " dit-elle. "Tu ne veux pas t'arrêter de parler, n'est-ce pas ?"

"Nous pouvons parler d'autres choses," protestai-je. "Il ne me reste plus une seule cellule cérébrale, pas même une synapse pour de nouveaux mots."

"Juste quelques-uns," dit-elle.

"Donne-moi un exemple," dis-je. Je n'aurais pas du lui en donner la possibilité.

"Squilt," dit-elle.

"Arggggghhhh !" dis-je. Ce mot-là, je l'avais dans le dictionnaire de mon cerveau.

Cela a commencé, naturellement, lorsqu'elle a décidé de faire un patchwork, son premier patchwork. Deux ans plus tôt, quand elle s'était remise à coudre après vingt ans d'arrêt, elle m'avait promis de ne jamais envisager de faire un quilt.

"Je ferai juste de la couture normale," avait-elle dit en dansant de joie dans sa nouvelle chambre de couture. "je coudrai seulement pour les petits-enfants," avait-elle dit. Hah ! 

Je l'avais crue alors. J'ai appris les nouveaux mots de la couture. Des centaines de nouveaux mots. Des mots tels que surpiquer et épingler un rempli et surjeter. Des mots colorés comme écru et puce. Des mots tels que poche passepoilée et montage des manches. Des mots comme tricot et voile et coutil. Les mots jaillissaient de sa bouche et je les apprenais pour pouvoir avoir une conversation, un dialogue, une discussion. Qu'étaient devenus les mots tels que paresse ou repas ou sommeil ? J'aimais ces mots !

"Tu vois, tu ne sais pas ce qu'est un squilt,' dit-elle, et le ton de sa voix criait que j'étais un ignorant, que j'étais voué à un avenir de stupidité et de honte.

"D'accord," dis-je, "je dois avoir de la place pour un ou deux nouveaux mots. Mais c'est tout. Alors, qu'est-ce qu'un squilt ?"

"Un sandwich," dit-elle calmement. Elle sourit et se détourna de moi et quitta la pièce.

Maintenant, heureusement je suis à la retraite, et j'ai du temps pour enquêter et essayer de comprendre ce qui se passe dans la vie de ma Tendre Moitié. Mais je savais que si je mordais à l'hameçon, si je prenais le temps pour découvrir ce qu'était un squilt, alors je serai en quelque sorte voué à passer ma vie à combattre les moulins à vent. Des moulins à vent de couture. Des moulins à vent de patchwork. Je ne gagnerai jamais.

J'allai donc à l'étagère de ses livres de couture, à présent remplis d'une pléthore de livres de quilting, et je cherchai squilt, et découvris que cela n'avait rien à voir avec du pain et de la moutarde et du jambon. C'était un sandwich de patchwork, avec du molleton au milieu. C'était le premier mot (deux si on incluait molleton, mais comme je le connaissais déjà, je ne le comptai pas).

Le deuxième mot était "fat quarter", qui est en réalité deux mots, mais ma Chère Épouse dit que ça compte seulement pour un. Je trouvai qu'un fat quarter est un quart de yard de tissu, qui mesure 18 pouces sur 22 pouces. Il me semblait, et il me semble toujours, qu'un quart de yard devrait mesurer 18 pouces sur 18 pouces. Mais je n'ai pas eu le temps d'y penser très longtemps avant qu'elle ne revienne.

"Ruban de biais," dit-elle.

"Est-ce un mot ou deux ?" demandai-je.

"Deux mots."

"Et c'est un ruban qui a un point de vue incliné ?"

"C'est un ruban coupé dans le biais," dit-elle.

"Cela fait quatre mots que j'ai à apprendre maintenant,", dis-je. Ca faisait en réalité cinq tel que j'avais compté, mais mon compte ne comptait pas.

"Ta tête n'éclate pas," dit-elle.

"Ce n'est pas loin," dis-je. Je sentais mon cerveau enfler.

"Log Cabin (cabane de rondin)," murmura-t-elle. "Tu connais ce mot, ce n'en est donc pas un nouveau."

"Là où Lincoln est né ?"devinai-je.

"Un modèle de bloc de patchwork," dit-elle. Oh, quelle Madame-je-sais-tout maintenant !

"Je n'en peux plus," dis-je. Je pris ma tête gonflée dans mes mains et l'emmenai sur le sofa où je la posai. Je la rejoignis.

"Plus que quelques mots supplémentaires," dit-elle en s'asseyant à côté de moi.

"Quelques mots en tout et pour tout, ou quelques mots encore maintenant ?" Je connais ses ruses.

"Quelques mots pour maintenant," dit-elle honnêtement.

"Des grands mots ou des petits mots ?" demandai-je alors que je vérifiai ce que je pourrais bien encore caser à l'intérieur de mon cerveau.

"Rien que des mots faciles de quilting," répondit-elle. "Comme piécer."

"Je connais ce mot," dis-je. "Plein de gens ont les oreilles et le nez percés. Certains lisent même le journal."

"Nous parlons de patchwork ici," dit-elle. "Et je parle de paper piecing (couture, piéçage sur papier) pas de perçage."

"Oh oui, bien sûr, paper piecing. Pourquoi ne l'as-tu pas dit plus tôt ?"

"As-tu entendu quelque chose de ce que je t'ai dit ?" demanda-t-elle.

"J'ai prêté la plus grande attention à chaque mot," dis-je. "Enrubanner, reporter de biais, les rondins de Lincoln, les journaux (newspapers = journaux ) piécés, et des sandwichs de squilts pour la route," dis-je. 'Tu vois, je les connais tous."

"Je pourrais faire de toi un sandwich de squilt, tu sais."

"Je ferai mieux la prochaine fois," dis-je en m'excusant.

"La prochaine fois, tu auras dix mots à apprendre," dit-elle.

"Ai-je le choix ?"

Elle me jeta un regard. Je le pris pour un "Non".

"Très bien," acquiesçai-je. Je ne suis pas fou. Elle sourit, se leva, me laissa là sur le sofa et retourna dans sa chambre de couture. Je décidai de ne pas bouger pour un moment, et je me demandai comment je pourrais faire de la place dans mon cerveau. Peut-être en éliminant quelques mots dont je n'avais plus besoin dans ma vie, quelques mots que je n'utilisais plus jamais. Si seulement je pouvais me souvenir lesquels c'étaient !

Copyright 1998 by A.B. Silver pour la version originale en anglais.
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