Popser 13
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Épisode 13 : Missing

Au début, il est venu sournoisement, à peine poli, posant juste des questions. "On n'a pas vu votre femme, ces derniers temps. Elle va bien ?"

"Elle est en pleine forme," dis-je à l'homme debout dans l'allée. J'étais en train de ramasser les aiguilles de pin tombées pendant la chaleur de l'été.

"C'est un beau jour pour une promenade. Vous marchez toujours tous les deux ?"

"Chaque fois que le temps le permet," répondis-je. Je versai un nouveau tas d'aiguilles de pin dans la boîte à ordures à mes pieds.

Il se frotta le nez, me vit regarder sa main retroussant son nez et ajouta : "Allergie. Il va faire chaud aujourd'hui;"

"Oui, c'est vrai," dis-je. Maintenant j'appréciais ce bon voisin qui habitait plus bas dans la rue, mais je savais qu'il se demandait où était ma femme. Je n'avais aucun moyen de lui expliquer facilement qu'elle était à l'intérieur en train de finir le "Quilté-en-un-Jour" qu'elle avait commencé le mois précédent. C'était son premier patchwork et elle y passait des jours sans fin. Elle n'avait jamais cru à ce "en un jour" insensé, de toute façon.

"Eh bien, passez-lui le bonjour," dit mon voisin intrigué, et il continua son chemin, son premier éternuement fendant l'air matinal tandis qu'il remontait la rue.

Je finis de ramasser les aiguilles de pins et commençai à arracher les touffes de gazon qui avaient poussé dans les fissures de l'allée du garage. En les regardant, je me dis que j'aurais mieux à faire que d'essayer de les enlever toutes. Alors que je me penchais une fois de plus, ma charmante voisine d'en face traversa la rue en portant un petit plat couvert de papier aluminium.

"Je vous apporte quelques cookies," dit-elle. Je me dirigeai vers le plat tandis qu'elle venait vers moi, mais elle passa à côté. Elle marcha jusqu'à la porte d'entrée de la maison. "Je vais juste dire un petit bonjour," dit-elle. "Je ne l'ai pas vue ces derniers jours."

"Elle n'est pas..." commençai-je, mais ma charmante voisine était déjà en train de frapper à la porte. Je regardai et attendis. Elle attendit, et je la regardai attendre. Finalement elle se tourna vers moi. "Elle est au lit avec la grippe ?" demanda-t-elle.

"Non, elle va bien. Probablement occupée à l'intérieur." Je la rejoignis, sentant mes jambes grincer en marchant. Je m'étais penché une fois de trop. "Je vais prendre les cookies et je lui dirai que vous êtes passée," dis-je.

"Vous êtes sûr qu'elle va bien ?"

"Tout à fait bien," dis-je, mais elle hocha la tête comme si elle ne me croyait pas vraiment. 

Et ça continua comme ça toute la matinée. Pendant que j'arrosais, que je ratissais, que je nettoyais la voiture, tous les voisins passant devant la maison ce matin-là me demandèrent des nouvelles de ma Chère Épouse. "Très bien. Elle va bien. Un peu occupée," leur dis-je à tous, et ils semblaient tous intrigués et soucieux puis continuaient leur chemin.

Vers midi je décidai que j'en avais fini avec les travaux extérieurs de l'été, et rentrai à l'intérieur de la maison pour le repas.

"Tu me rejoins pour le repas ?" demandai-je à ma Chère Épouse en jetant un regard dans le living room où elle était assise, penchée sur la table, essayant de manipuler le quilt à travers, au-dessus, en-dessous et autour de la machine à coudre.

"Pas maintenant, il faut que je finisse cette ligne," dit-elle.

"Très bien," dis-je. Je lui montrai le plat de cookies. Elle ne porta aux cookies aucune attention.

"Juste un petit moment. Puis je m'arrêterai pour le déjeuner."

"J'attendrai," dis-je.

"Non, vas-y. Je ne sais pas combien de temps cela me prendra."

"Très bien," dis-je à nouveau. "Au fait, tout le monde te salue. Ils se demandent où tu étais passée ces derniers jours."

"Tu leur as dit ?"

"Non, ça aurait été trop difficile à expliquer." Elle approuva d'un signe de tête et continua à quilter, dans le ronronnement de la machine à coudre. Je pris les cookies et allai dans la cuisine préparer le repas.

Dix minutes plus tard, on frappa à la porte d'entrée. J'allai répondre. J'ouvris la porte et deux autres de mes voisins se tenaient là en me regardant fixement.

"A-t-elle été kidnappée ?" demanda le plus grand des deux hommes. Il parlait nerveusement, en hésitant, mais il l'avait dit.

"Kidnappée ?" demandai-je.

"Oui, a-t-elle disparu ?" dit le plus petit homme. Il semblait inquiet.

"Quelqu'un vous a dit que ma femme avait été kidnappée ?"

"Non," dit le plus grand, "mais personne ne l'a vue récemment, et tout le monde dans le quartier se pose des questions."

"Nous sommes tous vraiment inquiets," dit le plus petit.

"Quiltnappée," dis-je. Je voulais rire. Je voulais ébaucher un sourire, mais j'étais sérieux.

"Quoi ?" dirent-ils à l'unisson, quatuor moins deux chantant en harmonie.

"Entrez à l'intérieur," dis-je, et ils entrèrent, et me suivirent dans le living room qu'elle et son quilt avaient envahi, ma Chère Épouse ayant vraiment besoin de tout l'espace.

"Nous ne comprenons pas," dirent-ils. "Elle est là ?"

"Oh oui, elle est là," dis-je, et je bougeai le quilt étendu par-dessus la chaise et à travers, au-dessus, en-dessous et autour de la machine à coudre et sur deux tables de banquet pliantes. Je trouvai une bosse dans le quilt et je pris le patchwork de mes deux mains et le soulevai et elle était là. "Oh oui, voici ma Chère Épouse !"

Ils la regardèrent émerger de son cocon de patchwork. Ils la fixèrent tandis qu'elle continuait à coudre.

"Allez le crier sur les toits," dis-je. "Elle est en vie et elle va bien. Dites-leur à tous que vous l'avez vue de vos propres yeux. Et dites-leur qu'elle promet d'être dehors avant la fin de l'été."

J'espère...

Copyright 1998 by A.B. Silver pour la version originale en anglais.
Toute reproduction est interdite sans la permission de l'auteur.

Pour lire cet épisode en version originale, cliquer sur cette bobine.     

N'hésitez pas à aller admirer les nombreux quilts de Joan, sur le site de Popser.

 

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