Popser 14
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Épisode 14 : Rien remarqué ?

"Eh bien, as-tu remarqué quelque chose de différent ?" demanda-t-elle alors que j'entrai dans la chambre à coucher. Lorsqu'elle me posa la question, je me mis à l'observer très attentivement. Je regardai ses cheveux, ses vêtements, ses boucles d'oreilles, ses chaussures, ses mains et ses pieds, puis à nouveau sa tête. Sa façon de me poser la question me fit regarder vite et bien.

"Non," dis-je.

"Regarde encore," dit-elle. Je commençai à regarder à nouveau, mais elle s'enleva rapidement de mon champ de vision. "Pas moi, Idiot," dit-elle d'une manière taquine qui me fit repenser à ma stratégie d'observation.

"Tu es super, géniale, merveilleuse," dis-je, juste au cas où elle aurait fait quelque chose à elle-même que j'aurais dû remarquer.

"Regarde autour de toi. Qu'est-ce qu tu vois ?" me mit-elle sur la voie. Au moins c'était quelque chose qui pouvait être vu.

"Est-ce plus grand qu'une boîte à pain ?" demandai-je. "Plus petit ?"

"Tu ferais mieux de regarder," dit-elle, le ton juste un peu menaçant. Alors j'ai regardé autour de moi. Plus vite et mieux.

Tout avait l'air pareil. Le lit. La table de toilette. L'armoire. La fenêtre. La chaise. Le lit. Je regardai à nouveau le lit. "Tu as fait le lit !" dis-je, la voix claire, et je souris d'un gentil sourire. Sourire ou non, ce n'était pas la bonne chose à dire.

"Qu'y a-t-il sur le lit ?" demanda-t-elle froidement.

"Les draps, la couverture, le dessus de lit, le quilt."

"Qu'as-tu dit en dernier ?" demanda-t-elle.

Je regardai à nouveau le lit. "Le quilt," dis-je.

"Et de quel quilt s'agit-il ?" demanda-t-elle.

Et alors vint la lumière, ça a fait tilt, je poussai le cri "Eureka" d'Archimède.

"Tu as fini le quilt !" dis-je.

"C'est toi que je vais achever," dit-elle.

"Il est grandiose. Il est merveilleux ! Formidable ! Magnifique ! Éblouissant ! Une pièce de maître !"

"Alors, qu'est-ce que tu en penses vraiment ?" demanda-t-elle.

"Je pense vraiment que tu as fini ton quilt."  J'allai vers le lit et baissai les yeux vers le quilt terminé. Tous les morceaux, tous les carrés, toutes les bordures, tous les biais, tous les points de matelassage étaient là. Il était très beau.

"Et il te plaît ?"

"Qu'est-ce que je pourrais ne pas aimer ?" demandai-je.

"Il te plaît vraiment ?"

"Il est parfait."

"Il n'est pas parfait. Il faut juste ne pas le regarder de trop près. Ce n'est que mon premier quilt."

"Il te plaît ?" demandai-je.

"Un peu."

"Juste un peu ?"

"Beaucoup."

"Juste beaucoup ?" Elle était très modeste.

"Très très beaucoup," dit-elle. Elle était enthousiaste maintenant.

"Tu veux fêter ça ?" demandai-je.

"Je l'ai déjà fêté," dit-elle.

"Comment ?  Comment l'as-tu fêté sans moi ?"

"J'ai crié. J'ai hurlé. J'ai ri aux éclats."

"C'est tout ?"

"C'était suffisant. Ce fut la fête pour moi pendant tout le temps où j'y ai travaillé, tu sais."

"Vraiment ?"

"Chaque soir j'étais heureuse de ne pas l'avoir abîmé pendant la journée."

"J'ai fait la fête, moi aussi," dis-je. Je soulevai le quilt et le tint en l'air, et c'était vraiment un beau quilt.

"Qu'est-ce que tu fêtais ?" demanda-t-elle.

"Chaque soir je fêtais que tu étais en train de faire un quilt."

"Mais à ce moment-là, il n'était pas fini. Comment savais-tu que je le finirai ? Je n'en étais pas sûre moi-même."

"Les époux quilteurs savent des choses comme celles-là."

"J'ignorais que tu étais un mari quilteur. Je pensais que tu étais juste un mari tolérant avec une femme incroyablement folle."

"Les époux quilteurs sont fous également. C'est juste une forme plus tranquille, plus douce, de folie."

"C'est bon," dit-elle, acceptant tout ce que je venais juste d'admettre. Je n'étais pas sûr de savoir de quoi il s'agissait. "Où crois-tu que je devrais le suspendre ?" ajouta-t-elle.

"Le suspendre ?"

"Le quilt. Il faut que je le suspende. C'est mon premier quilt. Tu as dit qu'il te plaisait, n'est-ce pas ?"

"Je l'adore, et nous pouvons le suspendre sur un de ces mâts devant la maison. Nous pouvons le hisser et tous ces drapeaux de nylon que les gens font voler devant leurs maisons vont ressembler à des pansements pour nombril (traduction littérale...)  comparés à ton quilt."

"On ne suspend pas les quilts dehors. De toute façon, je ne suis pas une m'as-tu vue."

"Souviens-toi lorsque nous avons été en Pennsylvanie et que nous avons vu tous ces quilts accrochés à l'extérieur des maisons. Certains étaient juste pendus aux barrières le long de la route."

"Ils étaient à vendre," dit-elle.

"Alors nous pouvons vendre le tien et ..." Oups ! J'avalai le reste de ma phrase.

"CECI N'EST PAS A VENDRE !" dit-elle très fort.

"Tu ne voudrais jamais vendre ton premier quilt," acquiesçai-je "A aucun prix."

"Mais je peux faire un autre quilt."

"Oui, tu peux."

"Et un autre et un autre et un autre et un autre et..."

Aujourd'hui elle a commencé un nouveau quilt. Lorsqu'il sera terminé, ce sera son deuxième quilt. Et je projette de m'apercevoir du moment où il sera achevé. Et alors nous le fêterons ensemble. Je le promets.

Copyright 1998 by A.B. Silver pour la version originale en anglais.
Toute reproduction est interdite sans la permission de l'auteur.

Pour lire cet épisode en version originale, cliquer sur cette bobine.     

Cliquer pour voir le premier quilt de Joan.

N'hésitez pas à aller admirer les nombreux quilts de Joan, sur le site de Popser.

 

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